J'ai le plaisir de soumettre à votre sagacité l'article ci-dessous, transmis par un ami anonyme volontaire. Par bien des aspects, ce
texte fait réapparaître les très nombreuses oppositions qui ont parsemés l'histoire de cette société paroxyste, telles, par exemple, celles de La Boétie, Babeuf et la conjuration des égaux,
Thoreau, Camus, etc..
Broyé par une mécanique totalitaire implacable, l'homme, en perte de ses repères, affirme son refus et manifeste des signes patents de
sa révolte. Même si l'auteur en appelle au radicalisme républicain - un concept qui nous semble bien obsolète, mais tel est son choix -, son texte reste un cri de révolte doublé d'une profonde
remise en question du mode de vie actuel. Il nous positionne dans cet appel à la vigilance et plus encore, à la réaction.
Comment ne pas favoriser cette démarche ?
Citoyen(ne), mon ami(e), Réveille-toi !
Appel au radicalisme républicain
Introduction
Il est temps pour nous toutes et tous de redécouvrir les principes qui nous permettront de retrouver le chemin d’une sociabilité républicaine et d’un épanouissement
humain basé sur le plaisir de vivre sereinement en contribuant au bien-être collectif. Nous sommes dans une période de notre histoire où d’une certaine manière « La violence de l’espoir des
uns répond à la violence de la peur des autres ». Notamment, la peur des classes aisées : voir leurs avantages contestés et remis en cause ou même pondérés. L’espoir des autres : sortir du
chômage ou lui échapper, réduire sa précarité matérielle et, d’une manière générale, sa vulnérabilité professionnelle, économique, sanitaire, in fine la vulnérabilité de notre Être-même
avec l’incertitude identitaire et psychologique que cela comporte et la souffrance que cela produit.
Il semble que la cause de notre situation collective de désorientation, de notre sentiment d’incertitude et d’impuissance face à nos difficultés de tous genres,
d’une certaine forme de désespérance politique, soit dans la combinaison et la coïncidence d’événements politiques ou économiques avec quelques idées dominantes. Ces idées dominantes ne sont ni
fausses ni vraies : elles sont nuisibles, toxiques même. Elles sont toxiques parce qu’elles instillent simultanément la peur, par le maintien ou l’accroissement de nos sentiments de vulnérabilité
individuelle, la résignation, en nous convainquant que nous n’y pouvons rien, et la bêtise, en nous incitant à être les plus ignorants possible tout en légitimant des idées immorales comme la
cupidité et l’égoïsme.
« Face à cette situation, [...] comment entrevoir l’avenir ? »
La première chose à faire, celle qui est en notre pouvoir, celle par laquelle tout peut commencer, est de débarrasser nos esprits de toutes les fausses évidences
que le monde, et particulièrement certains de ses acteurs, tentent d’y installer et d’y maintenir. Le travail commence par la guerre des idées. La lutte a toujours été celle des idées. Si nous
voulons un autre monde, cela passe d’abord par l’attaque des idées qui guident celui d’aujourd’hui, en en montrant toute l’immoralité, toute l’illégitimité philosophique et éthique, toute la
stupidité. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons faire changer les choses en faisant changer, insensiblement d’abord puis de manière plus décisive, les idées qui guident nos conduites
quotidiennes.
Alors, posons-nous quelques questions faussement naïves pour pouvoir les poser autour de nous...
I. L'éducation
Citoyen(ne) pose-toi une question simple : comment te fais-tu avoir ? Non pas «pourquoi ?» mais «comment ?». Ne t’interroge pas sur les finalités poursuivies par
celles ou ceux qui te manipulent en te mentant, en te faisant prendre des vessies pour des lanternes ; beaucoup ne le font pas même délibérément. Pour avoir réellement une réponse à cela, il te
faudrait avoir l’occasion et le pouvoir de les interroger et de les contraindre à te dire la vérité. Tu n’as pas ce pouvoir, moi non plus. Par contre, tu as le pouvoir de comprendre comment les
classes dirigeantes, économiques comme politiques, te manœuvrent. En effet, tu as accès librement à une grande partie de l’information dont tu as besoin pour comprendre par quels mécanismes tu te
fais « avoir ». Cette information, tu peux la trouver dans deux sources :
- Toi-même, ce qui se passe dans ta propre tête... et ce qui ne s’y passe pas.
- Les médias par lesquels l’information et les opinions te parviennent : tu les as sous les yeux et dans les oreilles à chaque fois que tu allumes la télévision ou
la radio ou encore que tu ouvres un journal.
Si tu y regardes de près, ne vois-tu pas que le premier instrument pour te berner, pour t’imposer des idées, c’est toi-même ? Nous toutes et tous avec nos paresses,
nos ignorances, nos simplifications, notre refus de réfléchir de manière critique pour ne pas être des dupes, notre résignation, parfois cynique. Que le second, c’est le contrôle serré de
l’information qui t’est délivrée? Sachant que bien peu chercheront à en savoir plus et que sans toute l’information pertinente les événements sont difficiles à comprendre. Que le troisième est, à
l’inverse, de t’inonder d’informations partout tout le temps ? Une information pauvre, redondante, souvent formatée et insipide, mais dont la masse, en rapport des temps et des capacités de
traitement de chacun d’entre-nous, permet de neutraliser les capacités critiques de l’individu.
Peut-être personne ne veut-il consciemment cela ni ne peut l’organiser. Mais c’est tout de même l’effet final, observable, du fonctionnement de nos sociétés
actuelles, de leurs systèmes éducatifs défaits et de leurs univers médiatiques mystificateurs. Pourquoi n’avons-nous – presque – plus de presse engagée dans le débat politique de manière
critique, continue, délibérée ? Pourquoi lisons-nous si peu ce qui en reste et qui est de qualité ?
Face à ces difficultés, nos prédécesseurs ont inventé une arme redoutable : l’école publique, gratuite et laïque. Tellement redoutable que, sinon tout, du moins
beaucoup est fait aujourd’hui pour la neutraliser : en augmentant le nombre d’élèves dans les classes, en déstructurant l’identité et les motivations civiques des enseignants, en réduisant les
heures tandis que l’on introduit de nouvelles exigences, de nouveaux programmes, en captant les énergies et le temps autour de questions nouvelles comme la sécurité, en dévalorisant le statut
social du maître ou du professeur, en sapant son ancienne autorité morale, celle que la République lui avait donnée, en convainquant tout le monde que le but de l’école est de former des jeunes
employables et non des citoyens indépendants et critiques.
L’école d’hier a été le rempart contre l’abrutissement de nos parents et de nos grands-parents. Nos aïeux en apprenant à lire et à écrire apprirent à être plus
libres et à moins se faire avoir : ils pouvaient vérifier beaucoup de choses en comptant par eux-mêmes et en lisant de leurs propres yeux. L’école d’aujourd’hui sera, ou pas, le rempart contre
l’abrutissement de nos enfants. La différence est qu’aujourd’hui, pour ne pas se faire avoir dans le monde complexe du XXIe siècle, lire et compter est très insuffisant. Et celui qui
ne sait ni lire ni écrire y est désormais comme un étranger au monde. Il faut à tes enfants des notions d’économie pour que l’on ne puisse leur raconter n’importe quoi lors des élections
politiques et des crises économiques ; il leur faut des notions de Droit pour avoir une chance de faire respecter leurs droits, dans le travail, dans leur vie associative ou politique, dans leurs
projets familiaux ; il leur faut des notions de sciences sociales pour mieux comprendre l’Autre qui est devenu tellement multiple avec la mondialisation ; il leur faut plus que jamais savoir
compter, lire, écrire et formuler leur pensée pour pouvoir défendre leurs points de vue, leurs aspirations tout en étant en mesure de ne pas se laisser impressionner par les capacités de celles
et ceux qui savent parler ; il leur faut comprendre l’informatique et l’Internet pour être en mesure d’en saisir la portée et les effets sur leurs propres libertés politiques à long terme ; il
leur faut maîtriser plusieurs langues pour élargir leur horizon et assurer leur emploi. Mais par-dessus tout, il leur faut être capable de réfléchir indépendamment et de formuler leur pensée avec
précision et exactitude.
Quel est, en effet, l’enjeu de l’éducation aujourd’hui comme hier ? Mettre à la disposition du jeune citoyen les connaissances humaines, les informations
stratégiques et la faculté de réfléchir et d’analyser de manière indépendante et autonome. En effet, si le monde dans lequel nous vivons a un degré de complexité supérieur à
notre capacité à l’analyser et le comprendre, nous sommes contraints de nous fier à ce que pensent d’autres personnes, notamment les faiseurs d’opinion : journalistes, hommes politiques,
dirigeants économiques, intellectuels médiatiques, etc. Mais comment et pourquoi peux-tu penser, Ami Citoyen, que leur point de vue exprime une analyse, diffuse une connaissance indépendante et
proche de tes intérêts à toi ? Pourquoi écoutes-tu des hommes et des femmes qui, par leur richesse économique, leur pouvoir, leur mode de vie, leurs priorités ne peuvent pas avoir les mêmes
intérêts que toi ? Par leurs capacités à argumenter et à formuler leur pensée, ils te donnent l’impression, du moins certains, de mieux savoir que toi, de dire la vérité, au moins à certains
moments. Mais quelle preuve en as-tu ? Aucune. Au contraire, beaucoup de détails de ta vie quotidienne peuvent te permettre d’en douter...
Alors pourquoi ne te bas-tu pas pour l’école publique, laïque et gratuite ? Ne vois-tu pas que sans elle tu serais encore plus manipulable et donc encore plus opprimé ? Ne vois-tu pas, pire, que
nos enfants le seront encore plus que nous ? Ils seront plus opprimés parce qu’ils seront plus « manœuvrables ». La raison en est que nos enfants font partie de générations que l’on a
convaincues, ainsi que beaucoup de parents, que les seules connaissances dont ils ont besoin sont celles qui leur permettront d’être productifs très vite en arrivant sur le marché du travail.
Mais n’as-tu pas noté que malgré nos concessions sur le sujet, depuis vingt ans au moins, malgré l’accroissement drastique des approches « professionnalisantes », le chômage est toujours aussi
élevé ? Ce chômage qui touche nos enfants, même ayant obtenu des diplômes professionnels, des licences ou des masters, parfois des doctorats, ce chômage qui à toi comme à eux fait peur.
La peur... c’est elle qui en s’accroissant sans cesse t’as fait abandonner tout ce qui pouvait te protéger, toi et tes enfants, tout ce que nos prédécesseurs avaient appelé la «
République sociale, laïque, démocratique et solidaire ». La peur n’est pas l’alliée de la raison. La peur nous trouble l’esprit. Toutes et tous, nous avons des
expériences petites et grandes où nous avons vécu cet effet aveuglant de la peur, d’où qu’elle nous vienne.
Notre ignorance nous rend vulnérables. L’école républicaine nous apprend à nous protéger parce qu’elle émancipe notre esprit, elle nous rend indépendant, elle nous rend souverains. Elle
nous apprend à juger par nous-mêmes de ce qui est bon pour nous. Elle nous apprend à exprimer et à argumenter nous-mêmes ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas. Elle nous
apprend que les êtres humains ont le droit d’être libres, de vivre dignement et non dans la peur constante du lendemain, que toute idée contraire à ces principes n’est là que pour prendre
possession indirectement de notre personne et de ses ressources, y compris à ses dépens.
Ce que nous ne faisons pas aujourd’hui pour nos enfants, les citoyens et citoyennes de demain, nul ne le fera à notre place. Parce qu’il n’y a personne pour le faire à notre place.
II. La morale civique
Pourquoi acceptons-nous comme morale publique et civique des principes rarement formulés mais que tous les actes des dirigeants et la plupart des mesures de l’État expriment : l’égoïsme
individualiste, l’appât du gain et la cupidité, le matérialisme, l’illégitimité de la décision politique s’imposant aux intérêts économiques, la prééminence d’intérêts particuliers sur l’intérêt
général et celui des plus modestes, la soumission aux pouvoirs, l’indifférence aux aspirations des citoyens ? Pourquoi acceptes-tu cela, Ami Citoyen, au point de parfois toi-même te conduire
selon certains de ces principes ? Penses-tu sérieusement, à l’aune de ce qu’est la condition humaine, de tout temps, qu’il était si vital de changer tel élément de ton mobilier alors que le
précédent n’était ni cassé ni usé ? De voiture quand la précédente n’avait pour seul défaut que de dater de plus de trois ans et d’exprimer une réussite moindre que tel ou tel dans ton entourage
? D’obtenir par tous les moyens cette promotion qui sans changer radicalement ta vie représente une richesse incommensurable pour tant d’autres concitoyens ? De changer de téléphone portable ?
Peux-tu me dire et me convaincre que l’égoïsme, la cupidité, l’indifférence au sort de l’autre, la soumission aux idées dominantes sont des valeurs auxquelles tu adhères et que tu penses
« bonnes », que tu penses refléter le « bien » ? Qui peuvent te rendre heureux ou, à défaut, serein ? Penses-tu vraiment que la garantie d’un niveau de vie acceptable légitime que tu te
comportes comme un esclave – ne se rebellant jamais contre ses maîtres – acceptant que tes avantages matériels ne soient garantis que par l’indignité de la condition matérielle et civique de tant
de tes propres concitoyens ?
Penses-tu vraiment, ami citoyen, qu’au moment de ta mort - laissant après toi des proches, des amis, des enfants, des petits-enfants - une vie égoïste, matérialiste au point de ne t’être jamais
préoccupé que de ta condition matérielle, voire de la maximisation de tes richesses t’apportera la sérénité et le réconfort dont tous nous avons sans doute besoin à ce moment-là ? Que
laisserons-nous dans les mains, dans le cœur et dans les têtes de nos enfants et petits-enfants ? Des biens matériels ou le sens du bien-être partagé avec toutes celles et ceux qui – de
toute façon – sont nos compagnons de destinée ?
Dis-moi, ami citoyen, quelles réponses as-tu à ces questions ? Pourquoi acceptes-tu autant ce qui de toute évidence est profondément immoral et inhumain ? Pourquoi par tes actions parfois, ton
inaction souvent, ton sommeil encore plus souvent, concoures-tu à cette immoralité généralisée de notre temps ? Dis-moi. Car, y ayant réfléchi, je n’ai pas trouvé de « bonne raison » à tout
cela... je n’ai rien trouvé qui permette à une femme ou un homme de se scruter sans hésitation le matin dans son miroir.
Allons plus loin ensemble. Si tu devais rêver, là maintenant, de quelle société rêverais-tu ? D’une société où chacun vit séparé de l’Autre ? D’une société qui ne demanderait d’effort à personne
pour assurer une vie collective ouverte, évolutive où rencontrer l’autre – tout en demandant des efforts à chacun – assurerait à tous une vie publique paisible et ouverte ? Comment justifier,
moralement, que tel ou tel groupe exige le respect intégral et non débattu de ses préférences particulières, qu’elles soient religieuses, politiques ou économiques ? Ne crois-tu pas qu’il
est bon que nous fassions cet effort qui consiste à relativiser, sans les nier ni les réduire abusivement, nos originalités culturelles, politiques ou philosophiques dans la juste proportion qui
permet aux Êtres Humains de vivre ensemble dans le respect mutuel ? Sans que l’un domine l’autre ni sans que l’un abandonne tout de ses préférences ?
Ne vois-tu pas le danger des mots ? Par exemple : « diversité ». Ce mot paraît bon, porteur de justice même. Mais dans les faits, ne sert-il pas à entretenir des distinctions sociales que rien ne
justifie ? La qualité d’ « homosexuel » ou de « handicapé » n’ont de sens que parce que, dans les valeurs dominantes, cela fait une différence pour la majorité d’entre nous d’avoir telle
orientation sexuelle ou telle incapacité physique ou mentale. Si tel n’était pas le cas, aurions-nous besoin de parler de « diversité » ? Derrière les bons sentiments apparents, ne vois-tu pas
que des mots aussi simples entretiennent, réaménagent en les maintenant des barrières que nous devrions lever par nos propres efforts individuels et collectifs ? Une fois que l’entreprise a
assuré la « diversité » parmi ses employés qu’a-t-elle fait sinon garantir certaines protections formelles à des personnes auxquelles on a appliqué des étiquettes ? Une fois que les partis
politiques ont amélioré ou assuré la « parité », qu’ont-ils changé dans les esprits sur la représentation de la relation homme-femme dans notre société (au travail, à la maison, dans la vie
politique, associative, artistique, etc.) ? Sur le statut de la femme dans les représentations collectives ? Rien. Parce que ce sont des règles qui par leur simple énonciation permettent d’éviter
le débat, peut-être risqué mais seul en mesure de faire cheminer les esprits, d’amener un réel changement dans nos pensées puis dans nos conduites les uns envers les autres.
Il en est de même avec toutes les diversités. Pourquoi parle-t-on de « diversité culturelle » et non de « mixité culturelle » ? L’étymologie des mots donne la réponse. La « diversité » rappelle,
affirme, affermit la reconnaissance de l’existence d’une différence. Le mot pose cette dernière comme un fait existant et objectif. La « mixité » insiste sur le vivre « ensemble ». La mixité,
c’est faire vivre et agir ensemble des personnes et des groupes qui auparavant se jugeaient mutuellement trop différents pour vivre « ensemble », réellement, effectivement, activement, sans
réticence ou évitement. Et c’est cela le projet profond de la Laïcité. C’est affirmer l’égale dignité de toutes et tous avec l’exigence de toutes ses conséquences pratiques, et non pas seulement
l’égalité de nos droits. C’est affirmer que rien ne peut ni ne doit s’opposer à ce que nous vivions paisiblement et dignement ensemble. C’est affirmer la solidarité indéfectible de nos
destins. C’est affirmer que tout ce qui nous distingue n’a aucune légitimité à nous séparer, encore moins à justifier l’exercice d’une domination quelle qu’elle soit.
Il en est ainsi de toutes les différences inventées par les êtres humains, soit qu’elles soient le pur produit de leur imagination soit qu’elles en soient profondément empreintes : la couleur de
la peau, la taille, le genre, le lieu où l’on est né, la culture et le groupe d’appartenance auxquels on se réfère ou auxquels on est assimilé, l’âge, l’intelligence supposée, la religion à
laquelle on se réfère ou à laquelle on est assimilé. Faire une différence entre deux êtres humains est toujours plus ou moins une fiction née de notre imaginaire collectif, y
compris de l’imaginaire de ceux qui sont ainsi différenciés.
Ne vois-tu pas que tout ce qui divise deux êtres humains les affaiblit terriblement, y compris dans leur dignité humaine elle-même ? Ne vois-tu pas que deux familles confrontées à la pauvreté et
à toutes sortes de vulnérabilités sociales sont dans la même condition quelle que soit leur ville, leur pays, leur religion, leur culture ?
Pour quelle raison penses-tu – généralement inconsciemment – que l’amélioration de la condition des uns est concurrente du progrès de celle des autres ? Parce que nous avons intégré au-delà du
raisonnable un schéma de vie dans lequel la satisfaction personnelle est basée sur la jouissance sans cesse accrue de biens matériels et que la production de ceux-ci engendre la concurrence pour
s’approprier les ressources permettant cette production. Nous ne tenons pas consciemment ce raisonnement, pas souvent. Mais nous le « savons ». C’est pour cela que le salut de tous passe par la
destruction des valeurs dominantes que l’Occident a laissé s’installer dans les sociétés humaines qui le composent et au- delà : la cupidité, le matérialisme, l’égoïsme, l’ignorance, bref le
renoncement à tout ce qui peut nous rendre humains et nous apporter de la sérénité, peut-être une certaine joie de vivre en partageant tout ce qui peut l’être.
Connaître réellement l’autre, aussi différent soit-il apparemment, c’est sceller son destin avec le sien car c’est immanquablement en découvrir la solidarité. Alors, défendons toutes les mixités
; notamment les mixités culturelles et sociales, ici et partout dans le monde. Ce n’est pas facile. Mais comment justifier un renoncement à quelque chose d’essentiel au prétexte que « ce n’est
pas facile », ou même au prétexte que nous ne serions pas sûrs d’y arriver ? Dans bien des cas, quand nous essayons de progresser professionnellement nous ne sommes pas sûrs d’y arriver. Mais
nous essayons tout de même. Pourquoi ne pas faire de même, modestement mais résolument, pour des principes qui engagent le sens même de nos vies, de toute vie humaine ?
III. La globalisation, le marché et l’entreprise
Il est impossible de terminer ces réflexions interrogatives sans parler du lieu où nous passons tous, adultes, le plus clair de notre temps : notre lieu de travail. Celui-ci et ce qui s’y passe
sont évidemment liés au monde qui le contrôle : l’entreprise, la nôtre et toutes celles qui l’entourent. Quand on écoute attentivement, que l’on lit de même ce qui se dit et s’écrit sur et dans
le monde de l’entreprise d’aujourd’hui, chacun peut s’apercevoir que deux dimensions de nos vies sont directement influencées par son idéologie et ses principes actuels :
- L’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ainsi que la légitimité de cet équilibre ;
- L’exercice de la démocratie et du premier de ses instruments : le débat critique, contradictoire et public.
Il faut bien reconnaître que le monde de l’entreprise véhicule aujourd’hui une idéologie, que nous appellerons l’idéologie gestionnaire, qui n’a rien – mais rien – d’humaniste ni de progressiste.
Or, comme toutes les idéologies, elle n’est... qu’une idéologie parmi tant d’autres possibles. Mais comme toutes et comme les promoteurs d’une idéologie particulière le font toujours, on tend à
vouloir nous convaincre qu’elle n’est pas une idéologie, qu’elle est la nécessité de l’ordre des choses aussi inévitable que l’effet de la gravité dans le monde physique. Le problème est que nous
ne sommes pas là dans le domaine physique mais dans celui de la sociabilité humaine et de l’esprit humain. Ce dernier se distingue par quelques facultés distinctives de l’humain, notamment
celle-ci : l’imagination. Et chacun sait, directement ou non, que ce pouvoir de l’imaginaire est tel que nous pouvons, individuellement ou collectivement, prendre pour réel ce
qui n’est que le produit de l’imaginaire. Il en est ainsi de cette idéologie gestionnaire que nous avons laissé s’installer dans tant d’esprits, dans le nôtre peut-être au moins pour partie.
Car enfin, n’arrive-t-on pas à te faire avaler – Ami Citoyen – des choses incroyables ? Rassure-toi, nous nous sommes tous faits avoir plus ou moins. Des choses incroyables, des fables...
comme par exemple qu’en sacrifiant toujours plus du temps que tu pourrais consacrer à des activités personnelles tu vas améliorer sûrement ton sort.
Dans les activités personnelles tu peux mettre tout le champ des possibilités qui nous sont ouvertes :
- Passer du temps – non-contraint – avec ton compagnon ou ta compagne de vie, avec tes enfants si tu en as, avec les amis et proches qui comptent et que tu aimes rencontrer, etc. Finalement quand
nos proches meurent, que nous reste-t-il ? Les moments heureux et les épreuves traversées ensemble, bref le temps que nous nous sommes consacré les uns aux autres. Or quand l’employé ou l’ouvrier
passe une heure, deux heures voire trois heures de vie tous les jours dans les transports – souvent seul avec sa radio ou ses CD – et que la journée de travail est interminable, que lui
reste-t-il à donner à celles et ceux qu’il aime ou affectionne ? En une vie de travail, tu perds plus d’une année de ta vie à aller et revenir du travail (383 jours environ) si ton trajet est
d’une demi- heure. S’il est d’une heure et demie, c’est plus de trois années de perdues... Nos modes de vie sont-ils raisonnables ?
- T’adonner à tes activités de loisirs favorites, celles qui souvent te permettent de te réaliser, parfois d’entretenir une forme d’estime de soi, d’une manière ou d’une autre de te faire
plaisir. Car enfin, pourquoi le temps consacré à te faire plaisir serait-il moins légitime qu’un autre ? Surtout que les récompenses que tu y trouves – de quelque nature qu’elles soient – sont
souvent beaucoup plus sûres et plus tangibles que celles promises ailleurs. Un sport, une activité culturelle ou artistique, bricoler ou jardiner, lire, écrire, aller marcher ou te promener,
organiser des fêtes, accueillir des proches pour un apéro ou un repas, bref tout ce que tu souhaites faire parce que cela t’apporte une satisfaction personnelle, intime. Tout ceci concoure
souvent plus à ta santé physique et mentale que tes autres sphères de vie, souvent tissées de contraintes et d’obligations fortes. Et ces activités concourent souvent au bien-être collectif,
directement ou indirectement.
- Te consacrer à des activités non-rémunératrices au service d’autrui dans : une association d’aide sociale ou humanitaire, un syndicat ou un parti politique, une association philosophique ou de
militantisme civique, des recherches scientifiques amateur, une association culturelle pour diffuser des connaissances, un courant de sensibilité, etc. Tout ceci concoure tout autant et souvent
plus au bien-être collectif et individuel, à l’épanouissement de chacun, à l’évolution des idées et des comportements, à l’entretien et à l’amélioration de la vie démocratique et républicaine.
Dans les promesses que l’on t’a faites dans ta sphère professionnelle, il y a quelques affabulations que tu peux facilement débusquer en t’en tenant aux faits te concernant et concernant tes
collègues autour de toi comme tes proches dans leurs propres professions. Parmi ces fables :
- Qu’en t’impliquant toujours plus – c’est-à-dire en consacrant plus d’énergie et de temps – dans l’entreprise tu vas nécessairement améliorer ta rémunération. Ce n’est vrai que pour si peu
d’entre-nous ;
- Qu’en t’impliquant toujours plus – c’est-à-dire en consacrant plus d’énergie et de temps – dans l’entreprise tu es sûr de conserver ton emploi et/ou ta capacité à en retrouver un ;
- Qu’il est normal que l’entreprise attende de toi toute la mobilité nécessaire pour elle. Cette mobilité, elle peut se traduire par : changement de poste, changement de tâches, multiplicité de
ces tâches, changement de localisation de ton emploi, changement d’emploi... Mais en quoi t’obliger à partir à l’autre bout de la France pour avoir un boulot simplement décent – sans aucune prise
en compte de ta vie personnelle : le lieu de travail de ton conjoint, la scolarisation de tes enfants, vos liens d’amitiés et familiaux, vos aspirations communes – est- il « légitime » ?
D’où tire-t-on la légitimité de déstructurer sans cesse ta vie ?
- Qu’il est normal de se taire devant tous les abus, tous les autoritarismes, toutes les indécences et les mensonges, tous les manquements et toutes les incompétences parce que tu as besoin de
garder ton travail. Que l’entreprise ne peut pas être le lieu sinon d’une vie démocratique du moins d’un débat critique où l’avis de l’actionnaire serait mis dans la balance avec celui des
salariés parce que la priorité ne serait plus la maximisation du profit mais la santé économique à long terme de l’entreprise.
Il est inutile de multiplier les exemples de promesses non tenues parce que intenables dans le système actuel avec les valeurs qui en sont effectivement la clé : Cupidité – Inégalité – Égoïsme. À
choisir, quels mots préfères-tu dans ton for intérieur ? À choisir, quelle utopie te parait la plus souhaitable ? Un monde où chacun combat tout le monde suivant cette devise « Cupidité –
Inégalité – Égoïsme » ? Ou bien un monde où chacun s’efforcerait de se rapprocher de la devise républicaine par excellence « Liberté – Égalité – Fraternité » ? Pour quoi préfères-tu lutter ?
Qu’est-ce qui te paraît décent ? Humainement défendable ? Ne me dit pas que ce ne sont là qu’utopies ! Oui, ce sont des utopies, inaccessibles. Tout comme les étoiles dans le ciel. Aucun
d’entre-nous n’y est allé ni ne va y aller de sitôt. Mais cela fait des siècles que l’être humain s’en sert pour tracer son chemin, se guider lui-même sur la route...
Si tu y regardes de près, même rapidement, tu conviendras sans doute que l’entreprise n’a rien d’un monde démocratique, encore moins républicain. Du moins telle qu’elle est conçue, gérée et
dirigée pour l’instant. A bien des égards, elle est même une machine anti-démocratique et anti-républicaine puisque qu’elle promeut des idées et des pratiques opposées aux attendus démocratiques
et républicains. Quelques constats simples : pas d’élections des dirigeants, pas ou peu de consultation ou de votes pour entériner au moins certaines décisions ou options, pas de contre-pouvoirs
et lutte contre l’adhésion et l’indépendance syndicale, pouvoir de sanction des dirigeants uniquement contrôlé par les risques juridiques (mais combien d’ouvriers et de petits employés se
sentiront en mesure d’effectivement attaquer leur ex-employeur devant les tribunaux ?), etc. Combien d’entre-nous peuvent citer des exemples de décisions dont chacun dans l’entreprise savait
qu’elles rapporteraient beaucoup très vite mais qu’elles étaient néfastes pour l’entreprise à plus long terme ? Beaucoup. Le problème est que l’entreprise d’aujourd’hui, le capitalisme
d’aujourd’hui ne repose pas seulement sur des principes d’efficacité économique. Ils reposent aussi sur des principes politiques très simples et jamais explicités :
1/ Celui qui apporte l’argent a in fine tout le pouvoir de décision ;
2/ Celui qui vend sa force de travail en recevant un salaire n’a aucune compétence et donc aucune légitimité pour déterminer ce qui peut être bon ou mauvais pour la santé économique de
l’entreprise ;
3/ Les inégalités de rémunération reposent sur des inégalités de compétences et sur la rareté variable des compétences. In fine, le ou les dirigeants sont les seuls à pouvoir déterminer
les bonnes décisions pour l’entreprise ;
4/ La prise de décision en entreprise nécessite d’être rapide. Il est donc inopportun d’y associer trop de monde ;
5/ On ne peut pas faire reposer la gestion d’une entreprise et ses performances sur la confiance, il faut donc contrôler au plus le travail de chacun.
Ami citoyen, devines-tu le visage de la société qui se dessine derrière ces principes ? C’est une société de type totalitaire. Bien sûr, l’entreprise sous nos latitudes ne l’est jamais
réellement. Il y a les contre-pouvoirs extérieurs : les lois votées par un parlement, les élections politiques, le débat public, etc. Tout un ensemble de remparts – qui s’affaiblissent – limitent
la dérive. Mais l’utopie implicite du capitalisme libéral d’aujourd’hui est une utopie totalitaire. Regarde la place accordée aux systèmes de contrôle. Réfléchis aux implicites
du « management par objectifs ». Interroge-toi sur ces séminaires de développement du « leardership » proposés à ton manager. Bien sûr, le système n’est pas armé. Mais il est instrumenté, très
lourdement, et il y a d’autres armes que la baïonnette. La plus efficace des armes de dissuasion depuis trente ans, tu le sais, s’appelle « chômage ».
Interroge tes parents, tes grands-parents : vivaient-ils avec cette peur de ne plus pouvoir travailler en perdant un emploi ? Combien craignaient de perdre leur emploi, notamment de 1945 à 1973 ?
Pourquoi cela a-t-il changé ? Parce que le rapport de force a changé. Parce que les idées dominantes ont changé. Parce que nous avons laissé nous échapper les moyens politiques de
l’équilibre.
Doit-on être fataliste ? Se dire « d’accord on a loupé des trucs, mais maintenant c’est perdu » ? L’ennui de l’Histoire politique, sociale, économique, culturelle, c’est qu’elle nous
enseigne ce que d’autres ont supporté avant nous mais aussi ce que d’autres ont su faire et obtenir avant nous. Vivre libres politiquement, dans la considération mutuelle quelle que soit
notre condition économique, dans la décence matérielle pour tous et en offrant au maximum d’entre-nous l’opportunité de réaliser un peu de ses aspirations
quelles qu’elles soient n’est pas un rêve irréaliste. C’est une exigence légitime et réaliste. C’est une attente normale que tu ne dois pas abandonner.
Des entreprises où l’on débat, consulte et discute avec tous existent. C’est donc possible. Des entreprises où l’on élit son dirigeant existent. C’est donc possible. Des entreprises où l’on ne
méprise personne et où l’on écoute chacun pour faire au mieux existent. C’est donc possible. Des entreprises où l’on refuse de laisser des salariés âgés ou en difficulté personnelle sur le bord
de la route existent. C’est donc possible. Des entreprises où être enceinte pour une femme n’est pas un handicap professionnel existent. C’est donc possible d’être femme, mère et de progresser
professionnellement. Des entreprises où les salariés possèdent leur entreprise existent et prospèrent. C’est donc possible. Des entreprises mélangeant des personnes de cultures différentes –
effectivement ou se supposant telles – et demandant à chacun les efforts nécessaires à la vie collective, existent. C’est donc possible.
Il n’y a que ce à quoi nous renonçons qui devient impossible.
Conclusion : quand te réveilleras-tu ?
Mon ami citoyen, quand te réveilleras-tu ? Te réveilleras-tu à temps ? Avant que l’on ne t’ait confisqué tout ce qui peut te permettre d’avoir et de maintenir une vie digne d’homme et de femme et
d’en transmettre les conditions à tes enfants. Te réveilleras-tu avant de ne plus avoir du tout le droit de négocier ton contrat de travail, de demander l’amélioration régulière des conditions de
ce travail, les moyens de préserver ta dignité matérielle et morale ; de faire grève pour dire non ensemble ; d’être suffisamment instruit pour exercer ton libre arbitre et ta citoyenneté ;
d’avoir une vie culturelle, politique, artistique, sportive, sociale, philosophique à côté de ta vie professionnelle et familiale ; de consacrer du temps à tes enfants pour leurs devoirs, leurs
activités culturelles ou sportives, leur épanouissement affectif auprès de toi ; avant de ne plus avoir le droit de vivre... en t’obligeant sans cesse à te battre pour survivre ?
Pourquoi, surtout, acceptes-tu tout ce que l’on te dit, du moins beaucoup, dans les médias, la presse, sur ton propre lieu de travail, alors que de toute évidence rien ne s’améliore pour toi, tes
proches et tes enfants ? Pourquoi les conditions de vie de beaucoup se détériorent au moment où nos sociétés sont à l’apogée de leur richesse matérielle ? Sans doute, manques-tu
comme moi de connaissances économiques pour tout comprendre. Mais enfin, les explications sont-elles si nombreuses ? Il te suffit de savoir que le Produit Intérieur Brut est « un indicateur
économique très utilisé qui mesure les richesses créées dans un pays donné et pour une année donnée. Il est défini comme la valeur totale de la production interne de biens et services dans un
pays donné au cours d'une année donnée par les agents résidant à l’intérieur du territoire national ». Cette définition tu la trouveras sur le site Wikipédia, sur l’Internet. Dans le même
article, tu trouveras un graphique montrant l’évolution du PIB par habitant en France depuis 1880... il a explosé et continue de progresser malgré la crise. Alors pourquoi tes conditions de vie
ne s’améliorent-elles plus, voire se dégradent ? Il faut bien que les richesses produites et mesurées aillent quelque part !
Je t’invite donc au radicalisme républicain. Ce qui n’a rien à voir avec une posture extrémiste. Je t’invite seulement à (re-)devenir intransigeant sur l’essentiel : le vivre ensemble
pacifiquement et l’épanouissement le plus libre possible comme être humain. Tu sais comme moi que pour vivre, réellement vivre, tu n’as pas seulement besoin de gagner de l’argent à la
fin de chaque mois. Tu as aussi besoin d’amour, celui de celle ou de celui qui partage ta vie ou que tu cherches, celui de tes enfants ou de tes proches ; d’amitiés et de solidarités avec les
hommes et les femmes rencontrés au cours de ta vie et avec lesquels tu t’es lié par l’affection et par les affinités ; de penser à toi-même et à ta vie pour faire tes choix pour ne pas être
réduit tout le temps à parer au plus pressé. Pour tout cela, tu as aussi besoin de temps et d’apprentissages. Et c’est légitime de vouloir vivre humainement. C’est cela le
radicalisme républicain : le refus total et obstiné de tout ce qui tend à maintenir chacun dans la peur du lendemain, dans la croyance de la nécessaire compétition de chacun contre tous, dans
l’incapacité même à dire non, c’est « le refus de toute aliénation ». Le radicalisme républicain, c’est de considérer le projet de vivre sereinement et dignement ensemble comme supérieur
à tout autre objectif ou considération. Particulièrement à ceux qui consistent à maximiser des profits et à légitimer l’immoral par excellence : l’égoïsme et la cupidité.
La politique ne peut faire le bonheur de chacun. Mais elle peut faire le malheur de tous. Du moins du peuple. Pour être heureux, il faut bien plus qu’une vie digne dans la
société. Cela appartient à chacune et à chacun. Mais du moins pouvons-nous éviter de le rendre encore plus improbable, ce bonheur, par l’indignité et l’immoralité de la vie publique comme de la
vie personnelle de chacune et chacun.
Je t’invite, Ami Citoyen, à résister. A prendre conscience de toi-même comme être humain et comme citoyen, à identifier clairement dans cette conscience ce que tu souhaites et ce dont tu ne veux
pas. Je t’invite à raffermir dans ton esprit ces mots du grand poète américain Walt Whitman : « [...] Résistez beaucoup, obéissez peu. Quand l’obéissance est sans condition, alors on est
entièrement asservi ».